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jeudi, 15 janvier 2015

CHARLIE : LA VÉRITÉ SUR LE COMPLOT !

Qu’est-ce que j’apprends ? Alors, c’est vrai ? Ce serait la CIA qui aurait fait assassiner l’équipe de Charlie Hebdo ? Et on ne m’avait rien dit ? Ce sont des choses qui ne se font pas, monsieur ! On a sa « common decency » (George Orwell), quand même ! Enfin, c’est Thierry Meyssan qui l’a déclaré, vous savez, l’homme si avisé qui pensait que l’histoire du World Trade Center le 11 septembre 2001, c’est tout le monde sauf Ben Laden. C’était d’abord et avant tout la même hideuse CIA qui avait inventé Al Qaïda pour mieux masquer son horrible machiavélisme.

 

Remarquez qu’Alain Soral, un type presque aussi intelligent, cultivé et avisé que Dieudonné (à moins que ce ne soit l'inverse), sur le site de « Vérité et Réconciliation », association inventée, comme son nom l’indique, pour réconcilier « Français de souche » et « Français issus de l’immigration », suggère que « Mohammed Merah et les frères Kouachi seraient liés aux services secrets français ». Autrement dit : François Hollande a eu la peau de Charlie Hebdo, si j’ai bien compris. « Ah faut reconnaître : c’est du brutal » (Bernard Blier). « Faut quand même admettre que c’est plutôt une boisson d’homme » (Lino Ventura). C’est vrai ça, est-ce bien sérieux, messieurs ?

 

Parce que tout le monde n’est pas d’accord. Par exemple, le site « Medias-Presse-Info » soutient bizarrement que, Charlie Hebdo étant « partie prenante du système », le système ne peut qu’éliminer ses opposants. J’aimerais comprendre. L’officine « Quenel Plus » va jusqu’à faire d’Hayat Boumedienne, la femme d’Amédy Coulibally, un agent de la DGSE « envoyée en Syrie pour collecter des informations de l’intérieur sur Daech ». Je passe sur les plaisanteries annexes.

 

Et là je crie : « Halte à la désinformation ! ». Fi des foutaises ! Foin de calembredaines ! Assez de gandoises et de gognandises, les gones (ça c'est pour les Lyonnais) ! Marre de ces illuminés qui lancent les plus folles rumeurs pour se mettre à exister dans les médias ! Marre de ces affabulateurs prêts à inventer les histoires les plus abracadabrantesques pour se faire un pécule en vue de leurs vieux jours par l’exploitation de la crédulité des masses ! Place à la Vérité !

 

Car il se trouve que je suis, moi, signataire de ces lignes, en mesure de la révéler ! Farpaitement ! Il se trouve en effet que j’étais dans la confidence. Il se trouve que, un soir au bar de la gare, nous discutions, mes amis Cabu, Charb, Oncle Bernard et Wolinski, autour de boissons bien dotées en arguments éthylométriques. Nous parlions, précisément, du sort de Charlie Hebdo.

 

Tous s’inquiétaient de la baisse des ventes de l’hebdomadaire auquel ils consacraient leur vie. Ils étaient catastrophés face à cette perte d'audience. Secoués à l'idée que, peut-être, il allait falloir, dans un avenir plus ou moins proche, fermer boutique et mettre la clé sous la porte. Je fus frappé par la force du « Jamais ! » qui jaillit de leurs poitrines unanimes. « Plutôt mourir ! », ajoutèrent-ils dans un cri du cœur. Ils étaient sincères. Et sincèrement affectés par la désaffection du lectorat.

 

C’est à ce moment précis que l’idée germa. Qui la formula le premier ? Je ne sais plus trop. Je n’enfreins aucun serment en la révélant ici aujourd’hui : tous quatre m’ont, avant de mettre leur projet à exécution, demandé expressément de porter sur la place publique les éclaircissements qui vont suivre. Et je dois dire que j’accomplis ce devoir qui incombe à l’amitié que je leur portais (et qu'ils me remboursaient à un taux usuraire) avec détermination, quoiqu’avec le lourd chagrin que me laissait la perspective de leur disparition.

 

Ce qu’ils ont fait pour ce Charlie Hebdo qu’ils aimaient tant, ce Charlie Hebdo vacillant dont l’existence était menacée par la désertion de ses lecteurs, est, je dois le dire, en tout point admirable. Ce qu’ils ont fait, aucune bête au monde ne l’aurait fait.

 

La Vérité vraie, la voici. Réunissant leurs petites économies dans le but de sauver leur revue, Cabu, Charb, Oncle Bernard et Wolinski se sont mis en quête des gens qualifiés dont ils avaient besoin. Des gens expérimentés et entraînés, n’ayant peur de rien ni de personne. Par les amis d’amis de quelques connaissances, on leur a présenté deux frères. L’un s’appelait Saïd, l’autre Chérif. Deux solides. Deux durs qui n'avaient plus grand-chose à apprendre dans le domaine des compétences pour lesquelles on faisait appel à eux.

 

C’est vrai que le prix qu’ils demandaient pour la prestation pouvait sembler dissuasif, mais les compères étaient prêts à tous les sacrifices. Tout le monde fit un effort et l’on arriva à s’entendre. Saïd avait quelques scrupules : et s’il y avait des « dommages collatéraux » ? Mais Chérif assura qu’un contrat est un contrat, qu’il refusait par principe tout dépassement d’honoraires, et que s’il devait se présenter un supplément, il serait pour sa pomme. Il prenait tout sur lui. Les quatre compères apprécièrent cette façon de jouer cartes sur table et d'annoncer la couleur. Une telle éthique professionnelle forçait l'admiration. L’affaire fut faite.

 

On connaît la suite : les frères Kouachi ont accompli la besogne avec calme, sang-froid et professionnalisme. Il y eut bien quelques pertes, mais elles se produisirent à la marge. Le projet secret des quatre amis a été mené à bien, l’objectif espéré a été atteint et au-delà de toutes leurs espérances les plus folles.

 

Sur mon honneur, j'atteste que c’est ça la Vérité vraie : Cabu, Charb, Oncle Bernard et Wolinski ont insufflé à Charlie Hebdo une vie nouvelle et triomphale en faisant le sacrifice de la leur. Ils se sont offerts en holocauste pour que vive et perdure Charlie Hebdo. On peut saluer la grandeur magnifique du geste. Ça, c’est de la déontologie ! Prenez-en de la graine, messieurs les journalistes ! Vu la situation générale de la presse quotidienne en France, combien d'entre vous sont prêts ?

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Note : ce qui m’a donné l’idée de ce billet est un article du Canard enchaîné de ce mercredi 14, intitulé « Complètement complot », auquel j’ai emprunté les éléments initiaux. Le complotisme me semble tellement un enfantillage que, très franchement, j'ai bien du mal à le prendre au sérieux. Qui est derrière l'événement ? Qui tire les ficelles ? On ne serait pas surpris d'apprendre que les frères Kouachi étaient payés par des extraterrestres. 

 

Je me suis donc permis de broder, en proposant mon propre délire d'interprétation, parce que je ne vois pas pourquoi j'en laisserais le monopole à Thierry Meyssan ou Alain Soral. La fumée un peu épaisse qui sort de ma casserole, quoique dépourvue de CO2, est produite par la combustion d’un carburant neuronal personnel dont j'ignore à ce jour la composition. Merci de votre attention.

 

lundi, 12 janvier 2015

POUR CABU

CABU, WOLINSKI, REISER ET QUELQUES AUTRES (1)

 

Cabu se serait bien marré. Non : Cabu serait tombé sur le cul, les yeux écarquillés, frappé d'incrédulité, hurlant de rire, et se serait pincé pour s'assurer qu'il ne rêvait pas. Netanyahou, Abbas, Merkel, Cameron, Hollande, Lavrov, Renzi et un tas de puissants et d'autres huiles politiques défiler, graves et déterminés, « tous ensemble, tous ensemble », derrière la banderole qui proclamait « Je suis Charlie ». Enorme. 

J'ai quand même du mal à imaginer sincères tous ces puissants de la terre derrière la banderole portant le titre d'un journal qui s'était donné pour mission de dézinguer toutes les "grandes figures", en effigie, s'il vous plaît. Ou si vous préférez, de leur tirer dessus à balles métaphoriques. 

J'espère seulement que le sursaut grandiose des Français par millions aura des prolongements dans la réalité concrète. Cela n'est pas gagné d'avance (se rappeler l'élection d'un escroc avec 82% des voix en 2002 pour empêcher l'élection d'un facho). Le problème, c'est qu'il va falloir réfléchir un peu. Essayer de faire converger des analyses de la situation. On appellerait cette fiction l'unité nationale. C'est ça qui n'est pas gagné.

 

Cabu est mort. Assassiné. Pas par un de ses propres « beaufs ». Pas non plus par une de ses propres badernes plus ou moins galonnées, celle nommée « adjudant Kronenbourg ». Mais par les balles d'un cinglé en état d'ébriété avancée, shooté à l'alcool du fanatisme religieux, plus puissant et destructeur qu'une caisse de grenades défensives (vous savez, les quadrillées) dégoupillées. Ces types-là, en tuant Cabu, ils viennent de m'arracher une partie de moi-même. J'exagère à peine.

 

Cabu est mort. Cette phrase, dans sa simplicité brutale, n’est pas entrée dans mon cerveau. Pas encore. Mais je sais qu’il va bien falloir qu’il s’y fasse, mon cerveau. Mais il va falloir qu'il fasse un effort pour se dire une fois pour toutes que non, ce vieux compagnon de route dont il a suivi tout le parcours, pas depuis le début, mais pas loin, ne posera plus jamais dans la presse libre les balises de ses dessins au trait acéré.

 

Cabu, je l’ai découvert dans Pilote. Facile : Le Grand Duduche est inscrit dans l’architectonique de la Bande Dessinée française, au même titre que le Beauf, le sergent Kronenbourg et la Fille du Proviseur. Ah, la Fille du Proviseur !...

 

Cabu était antimilitariste et pacifiste intégral. Il avait le droit : c’était cohérent avec le reste de sa vie. Je ne le suivais pas là-dessus. Aujourd’hui, les humanitaires, ces pacifistes revisités par le besoin pressant de sauver le monde, se font couper la tête.

 

Sans se rendre compte que l’existence de toutes les « ONG » et autres myriades d’associations humanitaires tient compagnie et fait escorte à l’accroissement de la violence et de la guerre dans le monde, puisqu’elles n’empêcheront jamais les dévastations et les cruautés.

 

Dans le même temps, grâce à leurs interventions, les dictateurs les plus cruels peuvent commettre tous les crimes qu’ils veulent en se disant que les conséquences de leurs actes seront (tant bien que mal) adoucies et corrigées par le travail de tous ces gens au si bon cœur, qui sont l'avatar contemporain de ceux que Lénine appelait les « Idiots Utiles ».

 

Et les Etats qui forment l’introuvable « communauté internationale » se voient, par ce même travail, débarrassés des charges et des devoirs qui leur incomberaient si les ONG et les « humanitaires » n’existaient pas.  Comme si, entre les ONG et les bourreaux, s’était installée une assez intéressante division du travail.

 

Tout ça pour dire que ce qui me reste de Cabu n’est pas, et loin de là, l’ensemble de ses positions. Ce qui me reste, c’est d’abord la virtuosité et la férocité de son trait, additionnées de la pertinence percutante de ses légendes et dialogues. Ce qui me reste, c'est l'œuvre de ce dessinateur de presse à la créativité infatigable et à la trajectoire impeccable. Ce qui me reste, c'est son talent. Non, ce qui me reste, à vrai dire, c'est son génie. Dans son genre, certes, mais j'insiste : son génie.

 

C’est la base de la caricature : saisir l’essentiel d'un caractère, d'une silhouette, d’un ridicule, d’un personnage public, d’un type d’homme, puis le grossir jusqu’à obtenir la plus grande puissance d’impact. Dans ce domaine, le regard et la main de Cabu, depuis Hara Kiri et Pilote jusqu’à Charlie Hebdo et Le Canard enchaîné, sont uniques, et à leur manière, insurpassables. Regardez l'effet mahousse qu'a eu son dessin de Mahomet (en 2006 si je me souviens bien).

 

Et puis franchement, Cabu, c’est un peu d’abord mon histoire à moi. Je l’ai donc découvert dans Pilote. Je ne me rappelle plus grand-chose de son époque Hara Kiri. J’ai suivi son travail quand il travaillait pour Hara Kiri Hebdo, puis, à partir de la mort de De Gaulle en 1970 (« Bal tragique à Colombey »), dans Charlie Hebdo

 

Sans adhérer, j’étais sensible à sa façon de parler de la réalité, peut-être le recul ironique, peut-être l’insolence et l’irrespect. Peut-être encore une certaine façon de récuser l’autorité des autorités.

 

Et puis Cabu, pour moi, c’est aussi un goût pour la musique qui tombe exactement en résonance avec le mien. Cabu était capable de vous chanter par cœur au débotté « Mam’selle Clio » ou « Le débit de l’eau » (ai-je besoin de préciser qu'on parle de Charles Trenet ?). De s’enthousiasmer pour Cab Calloway, bon, c’est du grand orchestre comme je n’aime pas trop le jazz, mais c’est du swing, et ça swingue.

 

Et puis Cabu, j’avais adoré certaines pages. Me vient à l’esprit le canular que cette bande de copains de Châlons-sur-Marne avait monté à l’époque du Strasbourg-Paris à la marche. Un type, suivi par quelques entraîneurs, encourageurs et amis, s’était présenté un peu en avance sur l’horaire prévu dans les rues de la ville. La blague avait consisté à se faire offrir le champagne et autres gourmandises par un cabaretier de la ville, particulièrement renommé pour son avarice. Le marcheur s'appelait Georges Schmitt. Cabu organisait. L'histoire se passait en 1959. Schmitt l'évoque dans un article de L'Union L'Ardennais du 25 novembre 2011.

 

Bref, ce que j’apprécie chez Cabu, fidèle tout au long de son existence à certaines préoccupations, c’est sa haine de la suffisance et de la bêtise, de l’arrogance et de la puissance, du pouvoir installé et de la bureaucratie déconnectée de toute réalité. C’est une question d’attitude générale face au monde tel qu’il est. Je garde de lui le souvenir d’un infatigable poseur de questions (toujours « à quoi ça sert ? » passe avant « comment ça marche ? »). Un peu de philosophie, que diable, avant de tomber à genoux pour s'extasier devant les prouesses de la technique.

 

Cabu ne sera pas remplacé. Je suis français. Je suis en deuil.

 

Voilà ce que je dis, moi. 

mercredi, 31 décembre 2014

LE DERNIER MODIANO

Préambule destiné à illustrer l'altitude à laquelle se situe le débat politique en France : Nicolas Sarkozy installe donc l'état-major qui sera chargé de gouverner l'UMP en vue des « batailles politiques » qu'il envisage de livrer prochainement, tous gens de grande envergure et de haute vue, comme de juste. La preuve : Laurent Wauquiez a fait prendre les mesures de son bureau au centimètre près, pour être sûr que celui de Nathalie Kociusko-Morizet n'est pas de plus grandes dimensions.

 

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1/2

 

Franchement, je ne pensais pas que ce serait si difficile de parler d’un livre de Patrick Modiano. De trouver assez de mots précis pour habiller les impressions reçues d'un livre qui vous échappe quand vous tentez de le saisir. Je n’avais jamais essayé d’écrire quoi que ce soit à leur sujet, et pourtant, en ai-je-t-y lu, des « romans de Modiano » ! A chaque parution, ou presque, j’allais en librairie verser mon obole à un écrivain à l’œuvre fascinante. Je n’ai jamais su expliquer cette fascination.

 

Essayez donc de résumer un seul de ses romans ! Malgré l'évanescence de l'intrigue, le flou des traits des personnages, la ténuité de l'action, l'auteur, sans avoir l’air de vous forcer, vous y entraîne aussi aisément que dans les évidences enfantines. Ensuite, les mains de votre mémoire se referment sur des fumerolles : c’est tout ce qui restera de votre lecture.

 

Si, quand même, vous avez les titres qui ont, mieux que les autres, marqué leur passage. Pour mon compte, ce sont Villa triste, Rue des boutiques obscures, Dora Bruder, Un Pedigree, quelques autres. Pourquoi ceux-ci plutôt que d’autres ? Mystère. Il me reste tout au plus quelques vagues ambiances où dominent les errances de lieu en lieu, de ville en ville, d’époque en époque, de nom en nom, souvent à la recherche de je ne sais plus quoi. C'est dans lequel, au fait, que le personnage se livre à un drôle de manège autour de livres anciens ?

 

C’est vrai que j’en ai lu beaucoup, des Modiano. Pas tous, forcément. Je n’ai pas procédé systématiquement, comme j'avais fait pour Henri Bosco, mais j’ai une excuse : Modiano est bien vivant, il continue à produire. Cela ne fait rien : allez voir dans la rubrique « Du même auteur », au début, mais aussi à la fin de chaque volume. Interminable, la liste. Une petite trentaine de romans. Sans compter le reste. Il a même fait un scénario de film (Lacombe Lucien). Il a même écrit une chanson pour Françoise Hardy (« Etonnez-moi, Benoît »). D’autres choses que je ne connais pas, peut-être.

 

Donc, pas facile de poser des mots sur la lecture qu’on vient de faire d’un livre de Patrick Modiano. D’ailleurs, à la réflexion, je ne devrais pas dire « le dernier Modiano », parce qu’il est probable qu’il ne va pas s’arrêter d’écrire des livres. C’est tout le mal qu’on lui souhaite. Et que le lecteur se souhaite par la même occasion.

 

Parce que ce « dernier Modiano » est un livre littérairement magistral, et quand il referme Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, le lecteur se dit qu’il s’est passé, quelque part au fond des méandres et des sables mouvants de son être, quelque chose de pas ordinaire. Et qu’il aimerait bien que ça lui fasse la même chose une prochaine fois, même s’il ne sait pas bien quoi. Pour peu qu’il soit entré dans le jeu, il en sort chapeau bas devant le maître du jeu : du grand art !

 

A se demander si Modiano n'est pas un lointain descendant d'un maître du bouddhisme zen : écrire sur rien. L'esthétique du vide. Quasiment un haïku romanesque, comparé aux pavés que les Américains lancent sur la gueule de nos libraires, même que c'est à cause de ça qu'ils sont de moins en moins nombreux : trop de risques ! Je galèje.

 

Oui, on peut dire qu'avec Pour que tu ne te perdes ..., quelque chose y a remué, là-bas dans le fond. Mais quelque chose de vague, impalpable pour ainsi dire. Aussi insaisissable que celui qui dit « Je » tout au long du roman. Car le narrateur lui-même semble exister à peine tant il livre peu d’éléments qui permettraient au lecteur de l’identifier, d’en esquisser au moins un portrait auquel il pourrait s’identifier, comme cela se passe dans les romans traditionnels.

 

Mais comme l’auteur se débrouille pour que le lecteur, comme dans le cinéma filmé caméra à l’épaule, voie le film se dérouler comme s’il en était lui-même le protagoniste, l’identification se produit malgré tout, et le lecteur se trouve alors comme aspiré dans un vortex d’une étrange inconsistance, pris dans le réseau immatériel des fils d’un passé en quête duquel le personnage est contraint de se lancer pour une raison indépendante de sa volonté.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

jeudi, 29 mai 2014

ENFONCER LE CLOU

 

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POURQUOI DIABLE QUELQU'UN (que je ne nommerai pas) M'A-T-IL OFFERT CETTE PLAQUE EMAILLEE ?

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Tiens, je ne suis pas tout seul à penser que la victoire de Marine Le Pen, si c'est un « triomphe », comme l'écrivait en une le journal Le Monde (voir ici même il y a deux jours), ça a tout du triomphe minable, qui ressemble, si on regarde avec les bonnes lunettes, à un gros pet de lapin.

En ce moment même (29 mai, 8h moins le quart), j'entends Régis Debray, sur France Culture, analyser le succès du Front National aux élections européennes. Selon lui, la cause est à chercher dans l'infinie médiocrité de nos classes dirigeantes.

On trouve par ailleurs en une du Canard enchaîné (28 mai) le même genre d'analyse. Voici :

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Je ne connais pas monsieur Jean-Claude Martinez (et je ne tiens pas à faire connaissance), mais tout le monde appréciera ce qu'il dit de Marine Le Pen. Eh oui, pas des fauves, mais des chihuahuas. Je trouve que ça relativise.

Le tragique de l'affaire, c'est que la France semble paralysée, qu'elle est devenue totalement incapable de produire et de sélectionner de vraies élites. Le tragique de l'affaire, c'est qu'on pourrait se demander si la France elle-même n'est pas devenue un gros pet de lapin.

La production et la sélection des élites ont été confisquées par une usine qui fabrique un seul type d'hommes, copies conformes les uns des autres, très compétents pour constituer des dossiers, mais dénués de convictions politiques, donc incapables de décider correctement. Nous sommes gouvernés par des agents de bureau, qui ne sont là que parce qu'ils ont été premiers de la classe.

Or, comme on sait, la biodiversité est une condition de la survie des espèces. Le clonage politique est une impasse biologique. La reproduction humaine, quand elle est à ce point endogamique sur des générations, condamne la famille à dégénérer.

Tant que les « élites » françaises se prendront pour des élites, alors que la façon dont elles fonctionnent (cooptation clanique, allégeance, mise à l'épreuve) les apparente furieusement à une mafia, je nous vois très mal partis. Tous ces gens entraînent le pays à la déchéance.

Seule la colère .... 

 

lundi, 27 mai 2013

PRESSE DE GAUCHE, VOUS AVEZ DIT ?

 

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AINSI, LA VIE D'ADÈLE, LE FILM D'ABDELLATIF KECHICHE, A-T-IL REÇU LA PALME D'OR. TOUT LE MONDE SENT AINSI SOUFFLER LE VENT DE L'HISTOIRE. MADAME HOMOSEXUALITÉ, VIEILLE COMME LE MONDE, SE PORTE COMME UN CHARME. ELLE A TOUTES SES DENTS, DE L'APPETIT, PIGNON SUR RUE, ET TOUT L'AVENIR DEVANT ELLE. ELLE NE SERA SATISFAITE QUE LE JOUR OÙ ELLE « SERA LE GENRE HUMAIN » (paroles de L'Internationale). PENDANT CE TEMPS, JEAN-FRANÇOIS "CHARLOT" COPÉ INVITE LES ANTI-MARIAGE GAY A S'INSCRIRE A L'UMP. IL N'A PAS DIT SI C'ETAIT POUR PARTOUZER. QUEL TALENT ! IL CROIT ENCORE QU'IL Y A DU POLITIQUE, VOIRE DU POLITICIEN, DANS LE SEXUEL ! FRIGIDE BARJOT L'A DANS LE BABA ! ELLE VA POUVOIR ALLER SE FAIRE VOIR. LA PORTE ETROITE (ANDRÉ GIDE) EST DEVENUE ARC DE TRIOMPHE, CELEBRANT L'AVENEMENT DE LA NOUVELLE CIVILISATION. ET ATTENTION : GARE A CEUX QUI RECRIMINENT !

 

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Le cas de Libération est différent de celui du Monde. Journal militant et révolutionnaire (et parfois folklorique, avec ses « petites annonces » et ses « notes de la claviste », ses suppléments "Bazooka" alias "Un Regard moderne", ...) au départ, il a peu à peu, comme Le Monde, dérivé en direction du système marchand que ses fondateurs voulaient détruire. Disons qu’il s’est laissé phagocyter. D’autres diront qu’il a déserté le champ de bataille. D’autres enfin soutiendront qu’il a fini par prendre en compte les réalités économiques. Raisonnablement. Voire !

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Mais ce qu’il faut noter, c’est que la décomposition progressive de l’esprit Libé a suivi à peu près une ligne parallèle à celle du Parti « Socialiste », dont la charogne nous « emboconne » (c’est du vieux lyonnais) l’atmosphère. En effet, comme le PS, Libération, en se convertissant à la société marchande, s’est reconverti dans la « gauche morale », dans la « gauche des droits », dans la gauche de l’évolution des mœurs, dans la gauche de dissolution du sens par l'amalgame de tout dans tout.

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Mais ce n’est pas de ça que veulent parler principalement ces deux billets, comme le montre leur balisage au moyen de titres (ou fragments de titres) extraits du journal. Pour bien montrer que celui-ci a renoncé à toute autre ambition que celle de distraire ses lecteurs, et qu'il a emboîté le pas au Canard enchaîné, qui pourrait être son arrière-grand-père, je tente de montrer qu'il pratique systématiquement le calembour, le jeu de mots, les approximations, etc.

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JE SIGNALE AMICALEMENT AU JOURNAL LIBERATION QUE "DRACHME" EST DU SEXE FEMININ

Mais à la différence du Canard, qui prend toujours bien soin de préserver la pertinence de ses jeux de mots, Libération en a fait un simple jeu d’enfants, un jeu de cour de récréation qui se pratique à tort et à travers, à bon et à mauvais escient, bref dans le joyeux bordel d’un n’importe quoi général. Je me souviens, à l'époque du "franc", de cette une : « Le dollar baisse comme une bête ». On dira que j'ai l'esprit mal tourné, du fait que je l'ai retenu. On aura peut-être raison.

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Libé a inventé le « journalisme d’enfantillage ». C'est peut-être tout ce qui reste à la gauche. Ce qui est sûr, c’est que le rapport logique entre le jeu de mots et l’article qu’il annonce est très souvent lointain, assez souvent aussi inexistant. Le sens ? C’est le cadet de nos soucis. Le mot d’ordre ? Humour, clin d’œil complice, on est entre nous, etc. Ce qu'il reste de l'esprit militant, sans doute. « La révolution a fait pschitt ! », dirait un Jacques Chirac.

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Dans les « calembours Libé », il y a à boire et à manger, des bons et des très mauvais, mais il y a aussi beaucoup à chier, beaucoup à se mettre l’index sur la tempe et à renoncer à dépenser 1,60€ par jour. De toute façon, qu'il s'agisse de Libération, du Monde ou du Figaro, quand on voit le nom du propriétaire (Lagardère, Bergé, etc.), on comprend que, puisque la gauche ne sert plus à rien, la presse de gauche n'a plus aucune raison d'exister. C'est peut-être pour ça que les titres de Libération, avec leurs jeux de mots, ont quelque chose à voir avec le bac à sable. Libération sert-il encore à quoi que ce soit ?

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Conclusion : les calembours de Libération, le journal fondé en 1973 « sous l’égide » (dixit wikipédia) de JPS (non, pas John Player Special) sont une bonne indication du sérieux avec lequel la « gauche responsable », la « gauche de gouvernement » envisage le message destiné aux masses laborieuses en vue de leur « libération ». 

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Voilà ce que je dis, moi.

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NOTE : Je n'ai pas évoqué le cas d'autres journaux "de gauche", comme L'Humanité ou d'autres feuilles plus confidentielles. Je n'ai rien contre L'Humanité, j'ai de temps en temps essayé d'y mettre le nez, mais je suis contraint d'avouer le constant échec de ces tentatives, sans que je puisse m'expliquer cette inhibition. Une infirmité, sans doute.

 

 

 

 

vendredi, 11 janvier 2013

"REPUBLIQUE IRREPROCHABLE", VOUS DITES ?

Pensée du jour :

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SIOUX OGLALA, par EDWARD S. CURTIS

 

« Les enfants n'avaient autrefois que des souvenirs mérovingiens ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

« République irréprochable », vous dites ? « Moi, président de la République, je n’aurai pas la prétention de nommer les présidents des chaînes de télévision publiques, je laisserai ça à des instances indépendantes ». J’ai bien entendu ? Vous vous souvenez, j’espère. Alors là je dis bravo tant que vous voulez. C’est sûr, j’applaudis le candidat qui a le courage de proclamer la pureté de ses intentions. En rupture avec les manières du président sortant.

 

 

Oui, j’applaudis à deux mains (j’ai essayé avec une seule, mais ça marche moins bien) cette déclaration du candidat FRANÇOIS HOLLANDE, face à un NICOLAS SARKOZY légèrement surpris, voire tétanisé. Malheureusement, la pureté des intentions s’est cassé le nez sur la sordidité de la réalité. Et je l’entends, le refrain de la réalité :

 

« Parole, parole, parole, parole, parole,

Encore des paroles que tu sèmes au vent ».

 

Tout le monde connaît ces mots que DALIDA réplique à ALAIN DELON en train de lui jouer la grande scène du « retour de flamme ».

 

 

Le chef de bureau qui nous gouverne, quittant les mots et la propagande pour affronter la réalité, voici ce qu'il dit : « Moi, président de la République, je nomme mon pote OLIVIER SCHRAMECK président du CSA ». OLIVIER SCHRAMECK ? Mais si, rappelez-vous, le grand copain de LIONEL JOSPIN, son directeur de cabinet (1988-1991) quand il est ministre de l’éducation, son directeur de cabinet (1997-2002) quand il est premier ministre. Un grand serviteur de l’Etat, donc, OLIVIER SCHRAMECK.

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Cela méritait bien un sucre d’orge : « Qu’est-ce que tu dirais du CSA ? – Ben, à la rigueur et faute de mieux, tope là ». Je n’étais pas dans le bureau où s’est prise la décision, mais ça doit ressembler à ça. Et HOLLANDE a dû ajouter : « Les gens diront ce qu’ils voudront, faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ». Comme dit le philosophe HENRI BERGSON : « Pour se faire une idée de la vérité, il faut se référer non aux mots qu’une personne prononce, mais à ses actes ». Qui ne serait pas d’accord ? La « République irréprochable » attendra, elle a déjà été tellement patiente.

 

 

Bon, on dira, pour être gentil : « Pour cette fois, ça va, circulez, mais n’y revenez pas. – Promis, papa ». Malheureusement, ce genre d’embrouilles (et d’arrangements avec ses propres serments prêtés la main sur le coeur) notre président élu semble en avoir rapidement fait un mode de vie ordinaire. Il le fait voler en escadrille, l'arrangement. FRANÇOIS HOLLANDE a dû pratiquer le tir en rafales, visiblement, il s’y connaît.

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IL VOUS FAIT RIRE, VOUS ?

Secrétaire général de la présidence ? PIERRE-RENÉ LEMAS, ex-préfet. Directrice de cabinet du président HOLLANDE ? SYLVIE HUBAC, ex-conseillère d’Etat. Recteur de l’énorme académie de Versailles ? PIERRE-YVES DUWOYE, ex-directeur de cabinet de VINCENT PEILLON. Préfet de la très convoitée Région Aquitaine ? MICHEL DELPUECH, ex-préfet de la Région Picardie. Attendez la fin, ce n’est pas fini.

 

 

Ambassadeur en Afghanistan ? STANISLAS LEFEBVRE DE LABOULAYE. Administrateur provisoire de Sciences-Po ? JEAN GAEREMYNCK, conseiller d’Etat. Directeur de la Caisse des Dépôts et Consignations ? JEAN-PIERRE JOUYET (tiens, tiens, il a pas fricoté avec SARKOZY, celui-là ?). Chargé de remettre un rapport sur l’Epargne ? PIERRE DUQUESNE. Directeur de Veolia Transdev, n°1 européen des transports ? JEAN-MARC JANAILLAC. Plus que deux à caser : où va-t-il les mettre ?

 

 

Nous trouvons CLAUDE REVEL, qui a mené carrière « dans le conseil » (l’appellation est drôle, mais ça mène à tout à condition d’en sortir), chargée de rédiger un obscur rapport sur les efforts internationaux de la France pour se positionner « en matière de normes » (texto). Et la DRH du groupe La Poste, alors, alliez-vous me demander ? Voilà une question qu’elle est bonne. SYLVIE FRANÇOIS, elle s’appelle.

 

 

Alors vous allez dire : « Tout ça ne nous dit pas l’heure. Pourquoi cette énumération, blogueur compulsif ? S’il y a un lien entre tous ces gens, quel est-il ? ». Votre intuition a percé le mur de la devinette que j’avais concoctée. OUI, IL Y A UN LIEN. Il suffit de se souvenir par quelles écoles notre président hélas élu (rassurez-vous, je dirais le même hélas si ç’avait été l’autre). Sciences-Po ? HEC ? Vous n’y êtes pas. 

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PROMOTION "VOLTAIRE" DE L'ENA (1980)

HOLLANDE DOIT SE DIRE : "PUTAIN ! ENCORE TOUT CE MONDE A CASER !"

(mais je ne vois pas la planche d'appui pour le tir aux pipes, dommage)

Ceux qui ont dit « ENA » ont gagné (mon estime). Oui, tous ces gens sont des camarades de FRANÇOIS HOLLANDE au sein de la « Promotion Voltaire ». Et c’est GILLES MARCHANDON, autre ancien de la dite promotion, qui, dans l’association des anciens, s’occupe du service « carrières ». Retenez bien ce prénom et ce nom : monsieur PROMOTION VOLTAIRE est le meilleur ami de FRANÇOIS HOLLANDE. Qui le lui rend bien. Avec les intérêts.

 

 

Je remercie un « hebdomadaire satirique paraissant le mercredi », sans les informations duquel la population française se verrait interdire le moindre accès aux cuisines de la cantine où on les fait manger, et à la cabine de pilotage de l’avion où on les a embarqués.

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QU'EST DEVENU LE SLOGAN IMMORTEL :

"LA LIBERTÉ DE LA PRESSE NE S'USE QUE SI L'ON NE S'EN SERT PAS" ?

(mais c'est vrai, qui se souvient des piles Wonder, qui ne s'usent que si l'on s'en sert ?)

Si vous tapez : « Moi président de la République », vous tombez sur un Youtube de 3’22 qui montre le candidat étalant la pureté de ses intentions. Je n’insère pas la séquence ici même, parce que je ne voudrais pas souiller ce blog, ni la pureté de ses intentions, dont je suis sûr que personne ne doute. Moi, président de cette République ? Vous rigolez ? La main sur le coeur, je le proclame : « NON MERCI ! ». Remarquez, je suis à l'abri : personne encore ne m'a demandé de me porter candidat.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

jeudi, 29 novembre 2012

UNE SORTE DE MAFIA SOCIALISTE

Pensée du jour :

« C'est ainsi qu'à la suite de traités "culturels", ou commerciaux, avec la Chine, nous allons recevoir des morts. On ne peut guère offrir que ce qu'on a. Il ne faut pas attendre de Pékin du chevreton ou de la fourme à points bleus. En revanche, nous aurons des "pièces anatomiques". (...) Nous aurons donc des cadavres chinois. Malheureusement, nourris exclusivement de riz, ils ont les os extrêmement frêles. C'est une constatation que tous les médecins ont faite depuis la guerre russo-japonaise : le mangeur de riz a l'os cassant. On l'enverra en "colis fragile". Les petits cadeaux entretiennent l'amitié ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

C’est vrai, je le reconnais, je l’avoue, depuis quelque temps, j’ai tendance à délaisser ici ce qui se passe autour de nous, à commencer par les feuilletons en cours en Syrie, en Israël-Palestine, ailleurs sûrement. Tiens, au fait, ça fait très longtemps qu’on n’a pas entendu parler de monsieur ROBERT MUGABE.

 

 

Peut-être qu’il ne s’y passe rien, au Zimbabwe, depuis qu’il a lancé la chasse aux blancs, enfin, la chasse aux terres cultivées par les blancs, au motif que c’était de l’accaparement hérité des colonies, et depuis que ces terres, après le départ de leurs « propriétaires » (on n’ose plus dire ça), sont tombées en friches et devenues improductives, obligeant constamment le pays à demander l’aide internationale d’urgence. Plus simplement, c’est sans doute qu’aucun organe de presse n’estime intéressant d’envoyer un journaliste à Harare.

 

 

Autrefois, les informations, ça s’appelait « les actualités ». Et c’était déjà de la propagande. Aujourd’hui que la hiérarchie des valeurs a été passée à la moulinette télévisuelle, et à la rubrique des « étranges lucarnes » (dans Le Canard enchaîné), le pire côtoie sans pudeur le meilleur, avec néanmoins une préférence marquée pour le premier des deux. Mais je ne vais pas faire mon Don Quichotte et me lancer dans une énième (et vaine) offensive contre la « machine à mouliner du vent » qu’est la télévision.

 

 

Devenue un véritable mode de vie, la télévision constitue une sorte de pilier, qui structure l’existence d’une part non négligeable de la population humaine de la planète, y compris dans les pays musulmans, où elle a été admise comme sixième pilier de l’Islam, avec Al Jazira. Je ne vais pas me faire que des amis, mais c’est vrai ça : je ne vois pas pourquoi quelques milliards de musulmans n’auraient pas droit au déluge de propagande qui s’abat sur l’humanité souffrante par le biais de ce que beaucoup de naïfs persistent à considérer (et tous les pouvoirs à présenter) comme un « merveilleux outil d’éducation et d’information ».

 

 

L’actualité aujourd’hui ? C’est cette envoyée spéciale qui passe toute une journée devant la porte d’un juge bordelais en train d’auditionner un certain NICOLAS SARKOZY et qui, n’ayant rien à dire, puisqu’il ne se passe rien, se contente d’avoir froid devant la caméra. C’est aussi La Course du rat (excellente BD de LAUZIER), où JEAN-FRANÇOIS COUILLON et FRANÇOIS FRAPPÉ veulent s’asseoir à la place du calife, en vue de devenir le Sultan (rien de moins) en 2017. Je me dis que le fromage doit avoir un goût délectable.

 

 

L’actualité aujourd’hui ? On en apprend, du joli, sur la mafia politique qui nous gouverne en lisant un excellent article sur une des plus vieilles amitiés politiques qui soude trois lascars (dans l'ordre, MANUEL VALLS, ALAIN BAUER, STEPHANE FOUKS), dont l’un est assis dans le fauteuil de ministre de l’Intérieur, dont l’autre, longtemps plus en retrait, s’est fait bombarder (par son alors récent copain NICOLAS SARKOZY, et, évidemment dirons-nous, au mépris des procédures habituelles et au grand dam des universitaires, ça vous étonne ?) professeur à une chaire de criminologie après avoir présidé aux destinées du Grand Orient de France, et dont le troisième, à la surface de notoriété médiatique encore moins vaste (coprésident de Havas quand même !), s’est dès longtemps spécialisé dans la « communication politique ».

 

Le premier fait parler de lui presque tous les jours dans les cercles qui le croyaient « de gauche », et qui découvrent sans cesse que plus il agit en tant que ministre, moins il l’est, « de gauche ». C’est évidemment MANUEL VALLS. Monsieur ALAIN BAUER a très tôt formé le projet de devenir Grand-Maître du Grand Orient, le top de ce qui se fait en matière de mafia franc-mac. Quant à STEPHANE FOUKS, il ferait presque pâle figure, sauf qu’en matière de com’, il s’y connaît, et l’on peut dire qu’il se sent là, tout de suite, comme un poisson dans l’eau : responsable étudiant, il savait comme personne remplir une salle. C’est peut-être un talent, après tout.

 

 

Tout de suite, ils se partagent le marché politique, comme savent le faire des « parrains » qui jugent la paix préférable pour la prospérité des affaires. Tout de suite comme des vieux routiers. Ont-ils vingt ans, quand ils se retrouvent à la cafétéria de Tolbiac ? « Moi, je rêve un jour d’être grand maître ». « Moi je ne veux pas forcément faire de la politique mon métier ; j’aime la communication ». « Moi, j’aime la France, j’aimerais bien devenir président de la République ». Vous les avez reconnus ? C’est un certain JULIEN DRAY qui témoigne, vous savez, celui qui a récemment fâché SEGOLENE ROYAL en invitant DOMINIQUE STRAUSS-KAHN à son anniversaire.

 

 

JEAN-CHRISTOPHE CAMBADELIS y va aussi de son témoignage : « Chacun des trois avait déjà un morphotype : communicant, agitateur politique et, au choix, flic ou homme de réseaux. (…) Aux Jeunesses Socialistes, ils ont chacun une tâche : Manuel, la politique et la vie publique ; Bauer, la tactique et les manœuvres d’appareil ; Stéphane la communication ». Ces messieurs sont convenus de ne pas se marcher sur les pieds.

 

 

Ces trois-là viennent de fêter leurs 150 ans (sic ! Ils sont nés en 1962, sauf FOUKS ?) en « privatisant » les deux étages du restaurant Drouant (celui du Goncourt), et en invitant une bonne centaine de personnes : « Des patrons, des pontes du renseignement, des politiques, autant de cercles qui s’emmêlent tandis que sur les tablées le bon vin abolit les frontières ». « On offre des livres rares, des alcools forts millésimés ». Dans le trio qui invite, la personnalité la plus « intéressante » est peut-être celle d’ALAIN BAUER.

 

 

Le site wikipédia le présente comme un « consultant en sécurité » (on n'est pas plus pudique). Né en 1962, il est socialiste à 15 ans. Trente ans plus tard, il devient conseiller de SARKOZY. Sa spécialité ? La police. Plus précisément, les relations dans la police. Devenu vice-président de Paris-I-Tolbiac (en 1982, tiens, tiens), il suscite ce commentaire admiratif : « Quand on a vu Bauer arriver à la fac avec sa voiture et son chauffeur, on s’est dit que, là, il avait des réseaux qu’on n’aurait jamais, même à 50 ans ». En 1982, il avait 20 ans. Entre parenthèses, ça en dit long sur le Parti Socialiste de FRANÇOIS MITTERRAND, et bien avant sa victoire de 1981.

 

 

Le plus « intéressant » dans cette carrière « intéressante » me semble être le fait que monsieur ALAIN BAUER illustre à merveille une notion très à la mode : le RÉSEAU. Avec ALAIN BAUER, si vous additionnez le réseau FRANC-MAÇON, le réseau JUIF, le réseau POLICIER et le réseau SOCIALISTE, vous obtenez un « carnet d’adresses » épais comme un Bottin de Paris dans les années 1950 (minimum 15 cm sur papier fin). ALAIN BAUER est à lui seul une incarnation du concept de RÉSEAU. Sa personne est un LOBBY. C'est très fort.

Cet homme est à lui seul une agence d’influence. Et je vais vous dire : les idées politiques, franchement, il n’en a rien à cirer. Et je vais vous dire mieux, il ne faut pas chercher ailleurs les "idées" (si par hasard ce sont des idées, et non de simples moyens de gouvernement) que MANUEL VALLS met en application maintenant qu’il est ministre : ALAIN BAUER, son vieil ami, enseigne à l’EOGN (officiers de gendarmerie) et à l’ENSP (cadres de la police). J’avoue que je n’ai pas lu les ouvrages de monsieur ALAIN BAUER. Honnêtement, quand ils ont paru, je faisais autre chose, j’étais en plongée sous-marine, sans doute.

Merci à ARIANE CHEMIN, pour la qualité de son article du Monde. Alors ça, oui, c'est ce que j'appelle du journalisme !

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 03 juin 2012

CONTREPETERIE : LA FIN ?

Un peu d’histoire aujourd’hui, non pas du pet (JEAN FEIXAS et ROMI s’en sont occupés en 1991, avec Histoire anecdotique du pet Ramsay-Pauvert, ouvrage jovial et très documenté), mais du contrepet, cette perversion amicale et presque familiale du langage, et finalement de bonne compagnie. On pourrait prétendre, en poussant la logique de cette perversion gentille et sale jusqu’au bout, que les phrases « normales » que tout le monde prononce tout le temps, devraient être considérées comme des suites de  « contre-contrepets », c’est-à-dire, au fond, de la perversion revêtue du masque de la normalité. J'espère que vous suivez.

 

 

J’ai cité quelques noms. Il faut donc maintenant absolument préciser quels ont été les héros et les hérauts qui ont présidé au fabuleux destin de la contrepèterie dans la deuxième moitié du 20ème siècle, dont beaucoup ont trouvé refuge au sein de l’Oulipo, le céleste OUvroir de LIttérature POtentielle, fondé en 1960 par RAYMOND QUENEAU et FRANÇOIS LE LIONNAIS. Mais je parlerai de l’Oulipo une autre fois, sans ça, on n’est pas arrivés. Restons-en à la contrepèterie.

 

 

Disons quand même que FRANÇOIS LE LIONNAIS traîne derrière lui une lourde et terrible casserole. Dans ses Souvenirs désordonnés, JOSÉ CORTI (oui, celui de la maison d'édition magnifique) raconte qu'il doit (!?!) la mort de sa femme et de son fils dans les déportations de la deuxième guerre mondiale, à l'ahurissante et révoltante inconscience de cet homme, qui, d'après lui, tenait, si l'on peut dire, "table de résistance ouverte" dans les locaux de sa librairie, jusqu'au jour où il vit la Gestapo embarquer sa famille. J'imagine que l'événement ne l'a pas prédisposé à admirer les oeuvres nées de l'Oulipo.

 

 

A tout seigneur tout honneur. YVAN AUDOUARD, qui a inauguré la rubrique du Canard enchaîné intitulée « Sur l’Album de la Comtesse » (d’abord intitulée « la Comtesse M. de la F. », qui ne renvoie pas à l’antistrophe de RABELAIS (« molle de la fesse », mais l’intention est quand même bien d’induire en erreur), mais à la comtesse MAXINE DE LA FALAISE). A vrai dire, ce n’était pour Y. A. qu’un passe-temps exercé dans les moments creux. Il a en effet écrit beaucoup d’autres choses, dont un délicieux polar rigolard, Antoine le vertueux.

 

 

Il a par ailleurs laissé des sentences et autres apophtegmes frappés au marteau de la bonne forge, comme : « Je n’attendais rien d’elle. J’ai été comblé », ou : « C’est faire honneur au soleil que de se lever après lui ». Dans la préface qu’il a donnée au Manuel de contrepet de JOËL MARTIN (Albin Michel, 1986), il raconte l’exquise et délectable anecdote suivante :

 

 

« Du temps où j’étais responsable de "L’album de la comtesse", je reçus un coup de téléphone suppliant et affolé d’un chef d’entreprise qui me dit : « Je dirige un petit atelier de dessin industriel. Vous m’avez déjà coûté deux cents heures de travail. Mes dix-huit employés n’ont plus l’esprit à ce qu’ils font. Ils n’arrivent pas à trouver la contrepèterie de la semaine. » Elle était pourtant classique.

 

 

C’était le fameux : « Aucun homme n’est jamais assez fort pour ce calcul ». « Je vous en conjure, poursuivit le brave homme, donnez-moi la solution, sinon je suis ruiné ». Je la lui ai donnée. » La bonté d’YVAN AUDOUARD le perdra. Ah, on me dit qu’il est mort en 2004 ? Alors, paix à ses cendres. C’est vrai, qu’étant né en 1914, il avait le droit. Avant d’avaler sa chique, il a quand même écrit La Pastorale des Santons de Provence, à l’enregistrement de laquelle il a même participé, en donnant sa voix à l’âne.

 

 

Son successeur à « L’Album de la Comtesse » s’appelait LUC ETIENNE (né, lui en 1908, et décédé en 1984), qui fut, sauf erreur, Régent de Contrepet (ou d’Astropétique) au Collège de ’Pataphysique, a donné à « l’art de décaler les sons » l’ampleur et la noblesse d’un mode d’expression littéraire à part entière. Il a établi dans la durée la rubrique hebdomadaire du Canard, et l’a rendue indispensable comme un vrai rite.

 

 

Rompu à toutes sortes d’exercices de jonglerie avec les mots, il était néanmoins un scientifique averti (professeur de mathématiques), ainsi qu’un vrai musicien, par-dessus le marché. J’eus en ma possession, il y a déjà quelque temps, un fascicule intitulé Palindromes bilingues (anglais/français, c’était édité par le Cymbalum Pataphysicum).

 

 

Le palindrome, je ne sais pas si vous vous rappelez, c’est ce tour de force qui consiste à élaborer un texte qui puisse se lire indifféremment à l’endroit ou à l’envers, tout en gardant le même sens, parce qu’exactement symétrique (en miroir) autour de son point central, en ce qui concerne la suite des lettres.

 

 

GUY DEBORD a rendu hommage à la technique dans le titre de son film In girum imus nocte et consumimur igni (c’est du latin : « nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes consumés par le feu », vous pouvez essayer dans les deux sens, ça marche, et c’est assez fortiche).

 

 

Le recordman de la discipline est sans contestation possible (quoiqu’un record soit a priori fait pour être battu) GEORGES PEREC, avec son texte de 1247 mots. Bon, c’est vrai qu’il ne faut pas être trop chatouilleux sur le sens de l’ensemble, mais la prouesse est là.

 

 

De LUC ETIENNE, j’ai gardé précieusement la cassette audio éditée par le Collège de ’Pataphysique en … (vulg. 1990) en hommage au Régent, qui, le diable d’homme, y présente des « palindromes phonétiques » et des « inverses phonétiques », dont l’incroyable début de Zazie dans le métro, du Transcendant Satrape RAYMOND QUENEAU.

 

 

Le successeur, en 1984, pour la rubrique du Canard enchaîné, des grands ancêtres qu’étaient YVAN AUDOUARD et LUC ETIENNE s’appelle JOËL MARTIN. Dans le civil, ce n’est pas un comique : c’est un ingénieur en physique nucléaire, il travaillait au CEA. Quand il est en uniforme, c’est indéniablement le pape qui porte sur sa tête la tiare de l’Eglise Contrepétante, dans la discipline de laquelle il a apporté la rigueur et la méthode propres à l’esprit des ingénieurs.

 

 

Et ça donne, dans Manuel de contrepet (Albin Michel, 1986, p. 320-321, j’aime bien la précision), des graphique savantissimes, en trois dimensions, qui sont supposés donner au lecteur les clés de la maison. C’est sûr que JOËL MARTIN, on dirait une usine à contrepet, qui tourne 24 / 24. Je pense qu’il doit faire la pause de temps en temps. Son agilité, qui plus est, est telle, qu’on a du mal à suivre. Pour un peu, je dirais qu’il est le PAGANINI de la contrepèterie.

 

 

Avec JOËL MARTIN, la contrepèterie acquiert la dignité de la Science, et je ne suis pas sûr que l’Université Française n’ouvrira pas, dans un avenir plus ou moins proche, une chaire de Contrepet, avec Licence, Maîtrise et Doctorat. Au point que cela risque d’en devenir intimidant pour le vulgum pecus auquel j’appartiens. Au point qu’on pourrait dire que « trop de science tue l’amour ».

 

 

JOËL MARTIN a pondu un nombre effrayant d'ouvrages sur la contrepèterie, à commencer par le Manuel de contrepet, en 1986, où il expose la méthode qu'il a mise au point pour fonder en science le contrepet, dans un chapitre horriblement savant (« Précis de Pataphysique (sans l'apostrophe obligatoire) du solide »), finissant par deux pages intitulées "morphologie, physiologie et pathologie du contrecube", et couvertes de schémas déliremment pataphysiques.

 

 

L'un d'eux mesure la tension artiérielle du contrapétiste, pour vous dire : on est dans le sérieux et le scientifique, mais il ne faut pas exagérer. De toute façon, ALFRED JARRY lui-même a donné l'exemple, dans le dernier chapitre des Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien, intitulé « De la surface de Dieu ».

 

 

Le maître ouvrage de l'empereur de la contrepèterie, sorti en 2003 en collection "Bouquins", est sobrement intitulé Le Bible du contrepet (960 pages), et sous-intitulé "une bible qui compte pour décaler les sons" (deux permutations à faire).

 

 

JOËL MARTIN, en érigeant la contrepèterie en SYSTÈME, régi par des règles quasi-scientifiques (je dirai plutôt des règles quasi-mécaniques, puisque son système finirait presque par ressembler à une machine), risque de réduire le contrepet à un vulgaire tiroir des meubles de la cuisine oulipienne, dont il faudra bien un jour que je me décide, quoi qu’il m’en coûte (et quoiqu’il m’en coûte), à dire tout le mal que j’en pense, en tant qu’entreprise de destruction.

 

 

A mon avis, en effet, avec JOËL MARTIN, la contrepèterie a tout simplement perdu de vue Panurge, et ça, c’est plus que je ne peux supporter. Tout simplement parce que, dès qu’on fait de quelque chose d’humain, d’intimement lié au rire et à la joie, le support d’une THEORIE SCIENTIFIQUE, je fais comme le rat : je quitte le navire, même si je dois me noyer.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.  

 

 

 

 

samedi, 02 juin 2012

CONTREPETONS EN CHOEUR

Résumé : la contrepèterie heurte tout un tas de codes moraux, de religions et de pudeurs.

 

 

Car il faut que ce soit clairement affirmé : il n’est de bonne contrepèterie que portant sur les sujets les plus scabreux, les plus inconvenants, les plus poivrés, en un mot les plus « libres », je veux dire évidemment SEXUELS (« Sagesse n’est pas folie »). La contrepèterie, qu’on se le dise, est un jeu de l’intelligence qui sait prendre la vie du bon côté. Excellente formule pour définir la voie tracée par maître FRANÇOIS RABELAIS. Le jeu savant des bons vivants, quoi (non, désolé, pas de contrepèterie).

 

 

Pour apprécier la contrepèterie, il ne s’agit donc pas seulement d’avoir un peu d’astuce lexicale. Il s’agit de maîtriser un minimum de vocabulaire dans le domaine du « bite-couille-chatte-cul ».

 

 

Déclaration solennelle :

 

Je déclare solennellement que les quatre mots précédemment prononcés ne l’ont été – et à mon corps défendant, j’espère que le lecteur en est intimement convaincu – que pour indiquer vers quel « Nord » le curieux et l’amateur sont invités à orienter la boussole de leur attention, et qu’il ne saurait être question pour moi, dans un blog habitué à planer dans les azurs éthérés de l’Idée et de la Science, et à ne pas se vautrer dans l’immonde fange des appétits trop animaux d’une humanité livrée à ses appétits trop animaux, de me laisser aller dans la suite de ce billet à quelque étalage de grossièretés que ce soit, en citant l’un ou l’autre vocable susceptible de blesser l’honnêteté de la vertu, et même la vertu de l’honnêteté (relisez un peu cette phrase, pour voir : n’est-ce pas qu’elle est belle et pleine d’une vérité forte ?).

 

 

Cela implique, ipso facto, que le lecteur sera impitoyablement privé de la « solution », et qu’il ne devra la découverte de celle-ci qu’à ses propres compétences, à la qualité de son imaginaire libertin, à son ingéniosité lexicale et, pour tout dire, à la « maltournure » de son esprit. « Oh ! Votre pull mou ! » (la solution n’est pas « votre poule mue », beaucoup trop « sortable »).

 

 

Est-ce que JOËL MARTIN, qui a pris glorieusement la suite de l’immortel LUC ETIENNE – qui restera pour les siècles des siècles, après avoir pris la succession d’YVAN AUDOUARD, le fondateur de cette Restauration de la Légitimité de la Lettre, à travers la rubrique intitulée « Sur l’album de la Comtesse » –, aurait  eu la faiblesse, pour ne pas dire la bassesse, de résoudre chaque semaine les énigmes qu’il propose dans Le Canard enchaîné (par exemple : « Cannes, raquettes et dures luttes des starlettes » (n° du 30 mai 2012) ?

 

 

Que non pas, que diable ! Fi ! Que nenni, vertuchou ! J’avoue humblement, pourtant, qu’il m’arrive de caler aux contrepèteries de JOËL MARTIN, le mercredi (« Labyrinthe et routes » (non, ça, c'est facile, Canard du 30 mai). J’ai parfois l’impression que même les plus retorses lui coulent de la plume aussi spontanément et naturellement que les diaboliques « onzains hétérogrammatiques » viennent par dizaines à GEORGES PEREC (Alphabets, Galilée, 1976), quand HARRY MATTHEWS lui-même avoue suer des heures pour en pondre seulement le fantôme d'un.

 

 

Que le digne lecteur ne compte donc pas sur moi pour donner la traduction de la contrepèterie bien connue : « Le boutre du sultan entra dans le confluent de la Garonne ». Pour ceux qui auraient du mal, par pure bonté d’âme, je me permettrai seulement de signaler qu’il s’agit de permuter trois consonnes. Lesquelles ? Alors là, je le déclare solennellement, la tête sur le billot et la main serrant le fer rougi, je n’irai pas plus loin.

 

 

Pareil pour la plus difficile, mais connue : « L’aspirant habite Javel » (parente de « l’accessoiriste peint les tuniques », mais là, il faut beaucoup permuter) ou la célébrissime (mais très facile) : « Le Général est arrivé à pied par la Chine », qui remonte à l’époque de DE GAULLE (mais on trouve aussi un fakir à la place du général, plus en accord avec la prouesse physique que la solution suppose, et qui vaut la naissance de Gargantua "par l'oreille senestre").   

 

 

Dans les contrepèteries « mâles », on trouvera donc très souvent des gens qui habitent (« Monsieur le maire, il est difficile d'habiter votre Nîmes! »), qui vont en Chine (« La Chine se dresse devant les Nippons », « Mettre la Chine au pas, n'est-ce pas mettre le feu à l'Annam ? »), qui élèvent des jars (« recyclé dans l’élevage, l’ancien ministre dupé montre son jars »), qui participent à des jeux (« avant chaque examen, les séminaristes doivent montrer leurs jeux aux curés »), qui brouillent toutes sortes de choses (la très connue « ces parasites nous brouillent l’écoute »), qui conjuguent toutes sortes de verbes (« ah maître, que votre verbe est agile ! »).

 

 

Message : je t'assure, M., tout ça est réputé facile. Rappelle-toi : consonnes, ou voyelles à permuter (ici, c'est surtout des consonnes).

 

 

Il en existe même des authentiques, je veux dire « prononcées à la télé », comme celle-ci, de BERNARD TAPIE (enfin, qu’on lui prête), à l’époque de ses ennuis judiciaires, malheureusement (et salopement) terminés : « le procureur m’entend pour mieux m’acculer ». Allez, M., là, c'est les voyelles initiales. Un petit effort, que diable, vertuchou !

 

 

Pour les contrepèteries « femelles », on s’attend évidemment à tomber très souvent sur des mots en « -elle »(« les gamelles de morilles », « les gamelles de mousse », «  il faut deux jumelles pour bien mater »), en « -atte » (« nous avons le choix dans la date » (qui répond, en toute logique à « Le Poids de la Chine »), « la geisha fait caresser sa natte pendant le show » ou « bois dans ma jatte, Sachem »), en « -ente » (« les ventes vont-elles souffrir ? »), en « -ousse » (« les guerrières de brousse sont rarement ludiques » permutation circulaire à 3), en « -ine » (« la zoologue cherche en vain des fouines grisées »).

 

 

Mais il convient de préciser qu'en général et évidemment, contrepèteries mâle et femelle sont faites pour se rencontrer.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.

 

 

vendredi, 01 juin 2012

VOULEZ-VOUS (CONTRE)PETER AVEC MOI ?

« Voulez-vous que je vous envoie dans la culture ? ».  « Les nouilles cuisent au jus de cane » (x 2). « Le curé est devenu fou entre deux messes ». « Ma cousine joue au tennis en pension ». « Ce vieux marcheur veut courir sur le mont » (x 2, dont une dans un mot). « La magistrature assise ment debout ». « Le Suisse sortait sa pique au milieu des beatnicks ». « La pâtissière moule des quiches ». « Joseph a maculé Henri ». Bon, j’arrête là. Je sais que ceux qui ont compris ont compris. J'encourage les autres à lire ce qui suit.

 

 

Je chantais, il n’y a pas très longtemps, les beautés subtiles de la chanson que j’appelais « quasi-paillarde », où l’auteur se plaît à décevoir l’oreille de l’auditeur en substituant au terme « cru » (« le tout de mon cru », psalmodiait l’immortel LUC ETIENNE), au moment de la rime « sale » attendue, un terme innocent, que la rime suivante a pour mission de justifier.

 

 

Cela dit, non seulement le jeu de la « fausse rime » n’empêche nullement l’auditeur de comprendre, mais en plus, elle multiplie son plaisir par le taux d’intelligence qu’il se décerne (très objectivement, forcément) quand il estime qu’il a compris, sur le principe du « je ne prête qu’à moi, parce que je suis riche » (même si ce n’est pas vrai).

 

 

Je veux chanter aujourd’hui, dans le même esprit (c’est-à-dire avec les mêmes arrière-pensées, que je qualifierai pudiquement de « décolletées »), une des formes les plus anciennes de jeu sur les mots de notre belle langue. J’ai nommé la CONTREPÈTERIE. Certes, on peut prétendre que « cette menthe a le goût de fiel », mais il n’en est pas moins vrai que « Virginie prend les bols » (tout au moins chez BERNARDIN DE-SAINT-PIERRE, je dis ça pour aider).

 

 

L’inventeur de la contrepèterie est peut-être – ce n’est pas sûr –  FRANÇOIS RABELAIS, que j’ai célébré ici même récemment. C’est vrai qu’on trouve dans Pantagruel deux exemples célébrissimes. Le premier est au chapitre 16, qui détaille les « mœurs et conditions de Panurge » : « car il disait qu’il n’y avait qu’un [sic] antistrophe entre "femme folle à la messe" et "femme molle à la fesse" ». Je laisse à Panurge la responsabilité de ce propos.

 

 

Le seul commentaire qui s’imposerait (éventuellement) concernerait la fréquentation, par les individus de sexe féminin, des lieux consacrés que les catholiques investissent chaque dimanche, et où ils se rassemblent « au nom du Christ », pour se faire une idée de la consistance de leur « partie charnue », à une époque où la déchristianisation est un fait accompli, mais ce commentaire-là, je m’en abstiendrai pour cette fois, parce que ça rallongerait inutilement (cela dit, tous les rallongements ne sont pas inutiles).

 

 

Notre vieil oncle GEORGES BRASSENS, puisqu’il faut aujourd’hui parler d’ « orientation textuelle », était plus VILLON que RABELAIS, a assez longtemps creusé le sillon de la rime qu’offrent ces deux mots (« messe » et « fesse », … pardon, il y a aussi (et même plutôt) « confesse ») pour que je me dispense d’ajouter mon grain de sel. 

 

 

Le deuxième exemple se trouve un peu plus loin (chapitre 21) : « Madame, sachez que je suis tant amoureux de vous que je n’en peux ni pisser, ni fienter. Je ne sais comment vous l’entendez ; s’il m’en advenait quelque mal, qu’en serait-il ? – Allez, dit-elle, allez, je ne m’en soucie pas ! Laissez-moi ici prier Dieu. – Mais, dit-il, équivoquez sur "A Beaumont-le-Vicomte". – Je ne saurais, dit-elle. – C’est "A beau con le vit monte" ». Avouez : comment pourrait-on se lasser de Panurge ? Contrepèterie, « antistrophe », « équivoquer », tout ça, c’est du pareil au même. Vous pouvez aussi dire « métathèse » si voulez faire votre cuistre.

 

 

Contrepéter, c’est donc permuter (« j’ai glissé dans la piscine », c’est autorisé aux enfants en bas âge). On peut permuter des tas de choses : des consonnes, des voyelles, des syllabes. Le plus souvent, on permute les éléments par paire, mais on peut compliquer à plaisir. Deux grandes règles à respecter.

 

 

La première est de toujours se fier au son, à l’oreille, à la phonétique, jamais à l’orthographe ou à la séparation des mots écrits (quoique …). Comme le cite JOËL MARTIN, en couverture d’un de ses livres, le contrepet, c’est « l’art de décaler les sons » (deuxième exercice très facile).

 

 

La deuxième règle est, aussi cruel que ça puisse paraître, de ne jamais dévoiler la solution. C’est la règle du : tant pis pour ceux qui ne comprennent pas (ceux qui ont décrypté l’exemple ci-dessus l’admettront aisément, et décrypteront celle-ci de même : « on reconnaît les concierges à leur avidité »).

 

 

Elle s’apparente à celle de la fausse rime (déjà vue dans les « chansons quasi-paillardes ») : si l’on se donne la peine d’escamoter le mot qui heurte la morale, la religion, les bonnes mœurs, et qui taquine les bonnes sœurs en cornette et des bons pères en soutane jusque dans leurs parties intimes (la cornette et la soutane se sont diablement raréfiées), pour le remplacer par un « mot sage », qui cache le « message », ce n’est quand même pas pour des prunes.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.

jeudi, 10 mai 2012

BOGDANOFFONNERIE 1

Vous avez aimé les violentes fantaisies climato-sceptiques (en plus d’être douteuses) de CLAUDE ALLÈGRE, dont Le Canard enchaîné avait plaisamment rapporté et brocardé les bourdes scientifiques proférées quand il était ministre (et même après) ? Vous allez adorer les frères BOGDANOFF. 

 

Les téléspectateurs connaissent forcément IGOR ET GRICHKA BOGDANOFF, les célèbres « jumeaux sur plateaux » (de télévision), qui essaient laborieusement de se faire passer pour des scientifiques. Mais moi qui n’ai pas la télévision, j’en ai juste eu vent (mot très juste) par la rumeur publique. 

 

Je crois que c’est RICHARD BOHRINGER qui disait aimablement, en parlant de BÉATRICE DALLE : « Elle se laisse pousser la bouche ». Là on dirait que ces messieurs ont mis en culture leurs pommettes, leurs lèvres et leurs mentons, pour les faire croître et embellir. Ce qui rend leur abord infiniment plus avenant et présentable, et leurs personnes infiniment plus esthétiques, vous ne trouvez pas ? 

 

Avant, ils avaient des visages certes particuliers (disons « typés »), mais intéressants, intelligents, certains diraient peut-être harmonieux. A présent, leur physique (tiens, justement, ils se disent physiciens !) se rapproche de la beauté classique et intemporelle des suidés génétiquement modifiés qui font « grouïïïk ! » quand on leur apporte à manger. Mais enfin, personne ne les a forcés. 

 

Il est d’ailleurs intéressant de noter à ce propos que leur dernier « opus » s’intitule Le Visage de Dieu (Dieu et la science était le titre d’un précédent ; on voit bien le sillon qu’ils creusent et le champ qu’ils ensemencent). A quels visages ce titre renvoie-t-il ? On se demande bien. 

 

Ce qui plaît, dans leur démarche, c’est la remarquable intransigeance morale qu’ils observent scrupuleusement. ALAIN RIAZUELO, qui travaille pour le CNRS à l’Institut d’Astrophysique de Paris, a osé publier sur internet, sans autorisation, la version préliminaire d’une « thèse » d’un des deux frères (je reviendrai à ALAIN RIAZUELO après avoir déblayé le terrain). Parce qu’il faut le savoir, les BOGDANOFF ont soutenu des thèses, à l’université de Bourgogne. 

 

A propos de thèse et d’université, on se souvient de celle de Madame ELISABETH TEISSIER (son vrai nom est GERMAINE ELISABETH HANSELMANN), n’est-ce pas. La célèbre astrologue devait être une excellente copine du sociologue en pointe télévisuelle à l’époque, MICHEL MAFFESOLI, grand spécialiste et prophète enthousiaste de la « tribalisation » de la société. Entre prophètes, on se comprend.

 

Et celui-ci avait réussi (sans trop de mal) à propulser celle-là en 2001 jusque dans le saint des saints du temple du savoir universitaire et sérieux de la Sorbonne, pour soutenir devant un « jury » une « thèse » de « sociologie » loufoque sur sa spécialité commerciale : l’astrologie, au grand dam des vrais scientifiques, dont quelques-uns claquèrent violemment la porte de la salle de soutenance. Une « farce », aux dires de certains.   

 

Le plus curieux, dans ces circonstances, c’est qu’il se trouve des universitaires, pourtant réputés, pour cautionner des démarches qui ont plus à voir avec la notoriété procurée par une habile exploitation de la télévision qu’avec la recherche scientifique. Comment Monsieur SERGE MOSCOVICI (père de PIERRE), jusque-là très honorablement connu, s’est-il laissé embringuer dans une telle turlupinade, jusqu’à consentir à présider le « jury » qui a « authentifié » le « sérieux » des « travaux » de Madame TEISSIER ? Mystère. On n’ose imaginer qu’il le fit pour renvoyer on ne sait quel ascenseur. 

 

Bon, dans le même genre, on a aussi eu, grâce à NICOLAS SARKOZY, la création au CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers) d’une chaire de criminologie appliquée, exprès pour le franc-maçon ALAIN BAUER, alors même qu’il n’y avait pas droit, n’ayant pas de doctorat, mais aussi, que tous les criminologues dûment référencés contestent la validité de ses thèses en la matière. Seulement, il faut savoir qu'ALAIN BAUER a eu le privilège d’être souvent consulté par les ministres de l’Intérieur, parmi lesquels un certain NICOLAS SARKOZY. CQFD. J’imagine que les cas ne sont pas si rares qu’on croit. 

 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

Ce n'est pas fini. Le meilleur est à venir.

mardi, 08 mai 2012

LE MYSTERE SARKOZY

Parmi les défauts qui ont été reprochés à NICOLAS SARKOZY, le plus incompréhensible pour moi, c’est une de ses obsessions : le SONDAGE. Il sniffe (peut-être entre autres), du sondage, jusqu'à l'overdose. Le sondage érigé en méthode de gouvernement.  Jamais on n’avait gouverné comme ça. Cela reste un mystère.

SONDAGE FMURR.jpg

DESSIN DE F'MURR

(le "génie des alpages", vu autrement)

 

RAYMOND AVRILLIER est un élu (étiquette écolo, est-il conseiller municipal ?) de Grenoble. Il a fini par obtenir (il a fallu pour cela que le tribunal administratif en adresse l’injonction à l'Elysée) communication d’un dossier où sont comptabilisés tous les sondages commandés par NICOLAS SARKOZY entre juin 2007 et juillet 2009. De la folie.

 

 

 

Et il n'y a pas de raison pour que le rythme se soit ralenti depuis. Le jour 1, c'est le fait divers qui se produit, le jour 2, c'est la loi votée en urgence, le jour 3, c'est le sondage pour mesurer l'effet du vote dans l'opinion.

 

 

Il y en a exactement 264, des sondages. Deux cent soixante-quatre. Un tous les trois jours. J’hallucine. Pour un montant de 6.350.000 €. J’ai beau essayer de me rendre compte, je n’y arrive pas. Des sondages sur tous les sujets, non, sur n’importe quel sujet, y compris, entre beaucoup d’autres, sur « l’observation d’une minute de silence dans les établissements scolaires en hommage au dernier poilu » (LAZARE PONTICELLI). On rêve, non ?

 

 

 

PONTICELLI LAZARE.jpg

JE SALUE LAZARE PONTICELLI, LE DERNIER POILU

DE LA GUERRE QUI MARQUA LE SUICIDE DE L'EUROPE

 

Pas moins de 264 sondages en deux ans, là je dis, c’est une maladie. A la rigueur, c’est un symptôme. Je pense sincèrement que NICOLAS SARKOZY est atteint. Voilà un psychopathe, un fou, un malade mental, et le sondage est un symptôme de sa maladie. Comme s’il avait besoin de mesurer en temps réel l’effet qu’il produit, et même pas sur la réalité, mais sur l’esprit des gens.

 

 

Qu’est-ce qu’il faut, pour mériter de gouverner ? La première chose à avoir, c’est une conception du monde. Elle vaut ce qu’elle vaut, mais enfin, elle dessine un horizon, un lendemain meilleur que l’aujourd’hui pour les vivants. Un monde meilleur.

 

 

On s’interrogera évidemment sur ce que ce « meilleur » recouvre – et ça diverge sacrément, selon l’idéologie – mais à la base, il faut au minimum une « vision ». SARKOZY n’a pas de « vision ». Et ce défaut a une conséquence : il n'agit pas, il réagit. En dehors de vouloir devenir président de la république et de tout faire pour y parvenir, il n'a jamais su le but politique qu'il poursuivait, parce qu'il n'en avait pas. Politiquement, cet homme sonne creux.

 

 

 

Ne pas avoir de doctrine peut avoir quelque chose de rassurant aux yeux des échaudés du 20 ème siècle, mais cela implique ipso facto que le pouvoir se contente de GERER les affaires, en avouant qu'il n'est plus en mesure de les DIRIGER. Il suffit pour cela d'avoir un BTS de comptabilité-gestion.

 

 

Le recours pathologique au sondage est hélas une preuve que la personne qui se présente aux suffrages pour gouverner ses semblables n’en a aucune, de vision. Rien. Nada. Nix. Car le gars qui a une vision, il y va, sans se préoccuper du qu’en dira-t-on. Il avance. Il calcule, il manœuvre, il prévoit le coup d’après, comme aux échecs. La partie qu’il joue, elle est sur le terrain.

 

 

SARKOZY, lui, ne joue pas sur le terrain. Il joue devant un miroir. Il se regarde jouer. L’échiquier sur lequel il joue est un échiquier électronique, vous savez, ces KASPAROV virtuels que vous pouvez domestiquer le soir, sur votre table, à force de retours en arrière sur les coups déjà joués, jusqu’à ce que vous ayez trouvé la faille dans le jeu de l’adversaire. Je me demande si la conception que NICOLAS SARKOZY se fait de la politique n’est pas qu’elle consiste à régner sur les esprits, et pas sur les choses. En 2007, il se montra le meilleur raconteur d'histoire. Pas davantage. Et la suite l'a prouvé.

 

 

La faiblesse de NICOLAS SARKOZY, je vais vous la dire : c’est un ANGOISSÉ. Il tremble à l’idée de ne pas maîtriser. Il tremble surtout à l’idée que les gens se rendent compte qu’il ne maîtrise pas. Il a une sainte trouille que ça se sache. Imaginez NAPOLEON demandant à sa concierge ce qu’elle penserait s’il engageait une bataille à proximité d'une ville nommée Austerlitz.

 

 

Sa maladie du sondage (264 en deux ans, je rappelle) est exactement le symptôme de son angoisse. En réalité, il ne sait pas quoi faire pour gouverner le réel. Pourquoi croyez-vous qu’il s’entoure de plus de « conseillers » qu’il n’y en a jamais eu à l’Elysée ? Plus je ne comprends rien à ce qui se passe, plus j'ai besoin qu'on me conseille.

 

 

Pourquoi croyez-vous que tous les ministères ont pratiqué à fond l’inflation du nombre des « conseillers » (qui coûtent un pognon fou) ? Mais tout simplement parce que, au plus haut niveau, plus personne ne sait quoi faire pour avoir l’air de dompter la réalité et de pouvoir la modifier.

 

 

Alors qu’est-ce qu’il fait, SARKOZY ? Il se demande ce que les gens pensent qu’il faudrait faire. Que pense ma concierge ? J’ai laissé de la terre sur le tapis de l’entrée. Je suis rentré bourré en gueulant l’autre soir de la fête chez Paulo. Il faut que je lui demande ce qu’elle en pense.

 

 

Cela s’appelle le « sondage d’opinion ». Mais le problème du sondage, c’est qu’il ne vous donnera jamais la solution du problème. Le sondage pathologique, une maladie du mode de gouvernement, fait de l’ « opinion publique » le conseiller en chef de l’Elysée. SARKOZY a en réalité enrôlé 45.000.000 de conseillers, à travers des instruments de la plus haute fantaisie scientifique : les sondages.

 

 

Or, s’il existe un exécrable conseiller, c’est bien l’opinion publique. Pourquoi ? Mais tout simplement parce que ce qu’il dit, ce conseiller, c’est ce que tout le monde sait, alors même qu’agir sur le réel, c’est inventer quelque chose qui n’existe pas encore. Donc quelque chose que personne ne sait. Agir sur le réel, c’est inventer le réel. « Wâh ! Cette parole est forte. », déclare RED CLOUD, le chef Lakota Oglala.

 

 

 

RED CLOUD 4.jpg

 

 

 

Voilà ce que je dis, moi.